Quatre gros mensonges bourgeois

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Écrit par Marco Kistler, service de la communication de l’USS/ fq

L’initiative populaire 1:12 au Conseil des États

Lors de la session de printemps, le Conseil des États a débattu de l’initiative 1:12, que l’Union syndicale suisse soutient. Pas de surprise : la majorité de droite recommande le rejet de cette initiative dirigée contre les salaires absurdes des grands managers du pays. Pour se justifier, la droite parlementaire a aligné toute une série d’arguments de toute évidence erronés, voire mensongers. Nous en avons choisi quatre[1].

1er mensonge : délocaliser et contourner

Peter Föhn, UDC, Schwytz :
« Les grandes groupes pourraient tout simplement et sans tralala soit délocaliser et déménager soit découper leurs groupes en en réunissant les parties sous le toit d’une holding, c’est-à-dire les scinder en plusieurs parties. Les gros salaires seraient ainsi simplement rémunérés par plusieurs entreprises. »

Qu’avant même la votation, des politiciens de droite parlent de la manière de « contourner » la volonté populaire si l’initiative est acceptée, c’est fort de tabac ! Mais s’ils s’imaginent que ces procédés antidémocratiques sont simples à mettre en œuvre, ils se trompent. Heureusement !

Premièrement, le texte de l’initiative parle d’entreprises, ce qui inclut diverses formes de personnes juridiques économiquement non autonomes. Les parties d’une holding, d’une société de gestion, d’une entreprise sous-traitante ou même des indépendant(e)s en relation contractuelle durable sont de ce fait tous concernés par ce que demande l’initiative 1:12. Deuxièmement, l’initiative Minder acceptée par le peuple interdit noir sur blanc la délocalisation de l’encadrement des entreprises. Propager pareil comportement, c’est vouloir violer la Constitution fédérale et ne pas appliquer correctement l’initiative Minder.

2e mensonge : l’étude de l’OCDE et les salaires des dirigeants

Pankraz Freitag, PRL, Glaris :        
« La statistique de l’OCDE prouve que les inégalités de revenus en Suisse sont inférieures à la moyenne et qu’elles n’ont que modérément augmenté ces dernières années. »

L’étude de l’OCDE citée par M. Freitag est le rapport « Toujours plus d’inégalité : Pourquoi les écarts de revenus se creusent ». Elle montre que, pour la Suisse, les bas salaires ont légèrement augmenté plus en pour-cent (mais pas en chiffres absolus) que les salaires moyens. Mais elle montre aussi que les hauts salaires ont beaucoup plus augmenté.

Il faut ajouter que cette étude ne tient pas compte du pour-cent supérieur, parce que de nombreux pays n’ont pas réuni les données à ce sujet (sic !). Mais les salaires – et surtout les revenus – ont énormément augmenté ces dernières années. C’est ce que démontrent par exemple les économistes Reto Föllmi et Isabel Martinez de l’Université de Saint-Gall : http://www.batz.ch/2013/01/reich-sein-in-der-schweiz/).

3e mensonge : le marché des managers

Hannes Germann, UDC, Schaffhouse :       
« Ce que nous oublions, c’est qu’ici [la rémunération des cadres supérieurs] il y a un marché. »

Le « marché » libre mondialisé invoqué par la droite en ce qui concerne les managers n’existe pas. Au contraire, les salaires élevés de ces derniers sont un effet de connivences, de pouvoir et de cupidité. Souvent, les mêmes managers à qui leurs conseils d’administration accordent des salaires à hauteur de millions siègent dans les conseils d’administration d’autres grandes entreprises (où ils sont encore princièrement rémunérés pour ces mandats). Une main « lave » donc l’autre. Ils ont fait jouer sans scrupule aucun l’énorme pouvoir dont ils disposent grâce à ces réseaux pour imiter leurs collègues américains et s’octroyer de millions de francs de salaire. Aux dépens de tous les autres !

4e mensonge : Bureaucratie ! Bureaucratie ! Bureaucratie !

Johann N. Schneider-Ammann, PRL, conseiller fédéral :  
« Si vous acceptiez cette initiative, elle entraînerait des frais administratifs élevés surtout pour les PME. »

Selon des prévisions prudentes, 99,8 % des entreprises ne sont pas concernées par l’initiative 1:12, car elles versent à leurs cadres des salaires qui ne sont pas douze fois supérieurs aux salaires les plus bas. Les PME appartiennent pratiquement toutes à la catégorie des entreprises qui n’ont pas besoin de payer des salaires de profiteurs. Ainsi, elles prouvent qu’il est possible de diriger une entreprise avec succès sans arroser les managers de millions.

En outre, presque toutes les entreprises voient déjà leurs salaires contrôlés par l’AVS. La « bureaucratie » supplémentaire évoquée se limitera donc à surligner le salaire le plus élevé et le plus bas pour calculer dans quel rapport ils se trouvent. Ces cinq minutes supplémentaires de bureaucratie sont acceptables.

Quelques vérités reconnues par la droite

Karin Keller-Sutter, PRL, St-Gall :
« Ces soi-disant salaires ou traitements des hauts dirigeants de l’économie ne peuvent guère s’expliquer. Ils ne peuvent pas non plus l’être par les prestations fournies. »

Pirmin Bischoff, PDC, Lucerne :     
« Martin Luther a dit que le commerçant avait tout à fait le droit de se donner un salaire. Mais qu’il devait s’en donner un qui soit modéré. Martin Luther recommandait au commerçant de s’orienter, pour son salaire, sur les salaires journaliers. »

Peter Föhn, UDC, Schwytz :          « Les PME, qui sont la grande majorité des entreprises en Suisse, n’auraient absolument aucun problème si l’initiative était acceptée. »


[1] Les citations sont traduites par nos soins.

Responsable à l'USS

Daniel Lampart

Premier secrétaire et économiste en chef

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Daniel Lampart
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